Résumé
Back Office est une revue annuelle consacrée au design graphique et aux pratiques numériques. Elle explore les processus de création en jeu dans la diversité des médias et des pratiques numériques contemporaines. En traitant de thématiques telles que le rapport code/forme, les enjeux des outils de création ou la perméabilité des médias, elle constitue un espace de réflexion inédit dans ces domaines. Bilingue français/anglais, Back Office est pensée comme une interface permettant la réception d'une culture numérique majoritairement anglosaxonne dans l'espace francophone, par des commandes à des auteurs étrangers et par des traductions inédites.
Le cinquième numéro s'intéresse à la place grandissante des technologies 3D dans les productions de design graphique. Issues des champs du cinéma et du jeu vidéo, ces dernières n'ont en effet jamais été autant accessibles, que ce soit grâce à l'augmentation des capacités de calcul, à la démocratisation des logiciels libres ou des environnements de création « temps réel ». Souvent photoréaliste, la 3D est souvent réduite à imiter la photographie et peine à proposer un langage visuel qui lui soit propre - alors qu'il reste tant à inventer. De même, si la 3D est aujourd'hui fréquemment réinvestie par les designers pour enrichir un support 2D tel qu'une affiche ou un site Web, il s'agit la plupart du temps d'un réemploi - naïf, kitsch, passéiste, ou sans recul critique - du vocabulaire formel propre aux moteurs de rendu.
En parallèle de la démocratisation grandissante des casques de réalité virtuelle, l'émergence des technologies de 3D « temps réel » au sein des pages Web favorise des objets graphiques associant lecture à l'écran, interface fonctionnelle et image de synthèse, qui vont à l'encontre du paradigme traditionnel « fenêtres/menus/défilement vertical/liens hypertextes ». Dès lors, quels en sont les effets sur le lecteur en termes culturels, cognitifs ou sensibles ? Quels rapports entretiennent image et texte dans un environnement simulé, qu'il soit figuratif ou abstrait ? Comment interroger et mettre en perspective ces techniques dans une histoire élargie du design graphique ? Ce numéro tente de proposer diverses pistes de réponses à ces questions à travers des entretiens et articles illustrés de nombreux exemples issus de jeux vidéos, d'interfaces ou de films (Tron, Mario Kart, etc.).
Back Office est coéditée par les Éditions B42 et Fork éditions.
Sommaire
Julie Woletz, « Approche historique et artistique de la notion d’immersion »
(traduction inédite de l’article « Interfaces of Immersive Media »)
Alors que les technophiles considèrent la réalité virtuelle comme le summum des médias immersifs et de l’innovation, les représentations et illusions d’espaces tridimensionnels commencent pourtant avec les premières formes d’art. Cet article propose ainsi d’examiner la notion d’immersion dans l’expérience esthétique pour mieux comprendre ses effets sur la cognition.
Jean-Michel Géridan, « La 3D comme nouvelle plasticité dans le design graphique »
Structuré autour d’un panorama du vocabulaire formel spécifique de la 3D (wireframe, normal maps, textures filantes, réflexions outrancières, transparences parfaites, etc.), ce texte étudie les raisons de cette tendance au volume dans la création graphique contemporaine.
Emmanuel Debien, « Toucher du bois, le skeuomorphisme dans l’histoire des interfaces »
Depuis la métaphore du bureau et le développement du concept d’affordance, les interfaces graphiques n’auront eu de cesse de simuler le réel pour signifier les fonctions virtuelles de la machine.
Il faudra attendre la sortie d’iOS 7 (2014) et la transformation de son interface utilisateur pour que de virulents débats éclatent entre les partisans du « flat design » et les défenseurs du « skeuomorphisme », deux termes fraîchement importés des sphères de l’UX Design. L’article propose une prise de recul critique sur l’origine de ces paradigmes, leur rapport avec l’histoire du design graphique, leurs effets supposés et les logiques qui les sous-tendent.
Nolwenn Maudet, « Les interfaces tridimensionnelles, perpétuel futur des interactions numériques »
Conçu à l’origine comme une façon de concevoir et de mettre en réseau des documents inspirés du paradigme de l’imprimé, le Web des années 1990 a vite intégré des expérimentations tridimensionnelles pour explorer d’autres façon de circuler dans des nœuds d’informations — prolongeant ainsi des expériences pionnières comme celles de Muriel Cooper au MIT.
Il s’agira alors de se demander quelles sont les conséquences esthétiques, sensibles, fonctionnelles et cognitives de ce changement de dimension, qui encore aujourd’hui n’a rien d’évident en dehors des jeux vidéo et mondes virtuels.
Kévin Donnot, Élise Gay et Anthony Masure, « Archéologie des textures »
Cet article prend comme point de départ une vidéo YouTube intitulée « The Most Overused Game Graphic You Never Noticed | Texture Archaeology » et mise en ligne par Kid Leaves Stoop en mars 2021. L’article revient sur une histoire des textures (images plaquées sur des surfaces tridimensionnelles) à travers l’épopée d’une communauté en ligne qui s’échine à recréer des versions PC « haute résolution » de jeux vidéos emblématiques (Super Mario, Mortal Kombat, Final Fantasy, etc.)
Entretien avec Tereza Ruller (studio The Rodina)
Entretien avec Tereza Ruller, cofondatrice avec Vit Ruller de The Rodina. Le studio a une pratique expérimentale où les technologies 3D sont omniprésentes, que ce soit dans le cadre de commandes ou de projets autonomes. Ils explorent les possibilités spatiales et interactives des environnements virtuels en tant qu’espace pour de nouvelles pensées et esthétiques nées de la rencontre entre la culture et la technologie.
Entretien avec Kevin Bray
Le designer graphique Kévin Bray travaille à des formes articulant signes graphiques, références à la peinture classique, et représentations au rendu photoréaliste. L’équipe de Back Office l’interroge sur les origines et enjeux de sa pratique singulière, qui constitue un point de repère important pour la jeune génération férue de 3D.
« Réalité augmentée : douze projets remarquables » (portfolio)
Alors que la réalité « augmentée » s’immisce progressivement dans les usages du quotidien, les designers graphiques peinent à se saisir de ces technologies. L’équipe de Back Office propose un portfolio de douze projets exemplaires qui interrogent de façon critique la place donnée à ces techniques, tout en démontrant la nécessaire exigence graphique et typographique dans le traitement formel de ces productions.
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