Résumé
Je voudrais parler de Dominique Soussi-Roth avec la simplicité de ceux que l'âge a délivré de leur part de comédie, à l'instar de son travail. Ce n'est pas facile pour moi d'être simple comme cette artiste l'est naturellement dans la vie et dans son oeuvre... Elle a toujours cherché et réussi à faire des choses simples, des choses lisibles, ce qui n'exclut ni la densité et la profondeur, ni l'intelligence élégante et intuitive. Oser ne dire que ça, et pas plus, oser ne pas en rajouter. Voilà la vraie difficulté qu'elle a parfaitement surmontée. Bien que reconnue et admirée dans le monde de la céramique par ses pairs et des collectionneurs éclairés, Dominique Soussi-Roth travaille la terre sans le crier sur les toits. Peut-être pour avoir la paix, sans doute aussi parce que pour elle être une artiste n'est pas un statut social. Chez elle, tout semble aller de soi, naturellement : ses obligations professionnelles, sa disponibilité familiale, son amour de la nature, son attachement au lieu, ses animaux, et, dans le temps contraint de ses activités, les heures trop comptées passées à l'atelier. Ainsi va pour elle la fluence des jours dans la lumière heureuse de Fouent-Richière. Regardons d'un oeil neuf ces sculptures nommées simplement Statuettes, Chrysalides, Envol, Pèlerins, Sentinelles ou Silence. Dominique Soussi-Roth a une manière bien à elle de nous prendre par la main et de nous faire pressentir quelque chose qui serait comme une attitude transformée envers le monde, envers notre propre corps. Son geste est dévoilement toujours renouvelé, une approche plus juste où se révèlent, en un mouvement suspendu, la limite et l'illimité, le visible et l'enfoui... De l'informe matière, Dominique Soussi-Roth extrait les signes et les structure, rivalisant avec le monde réel, recueillant tendrement les pigments enfouis dans l'ordre minéral. C'est comme si l'unité s'ouvrait à nous sans se défaire ; c'est comme si les deux anges de la Madonna del Parto de Piero écartaient une fois encore le grand rideau lourd d'images. Alors nous sont révélés dans le même temps l'immuable qui nous déborde et l'éphémère qui nous traverse. Il faut remercier Dominique Soussi-Roth pour sa soif de vie toujours en éveil, pour l'incomparable richesse de sentiments qui agite son travail et pour la beauté épurée qu'elle donne comme un cadeau à nos yeux enfin dessillés.
- Philippe Roy