Carto n°26 le continent arctique (novembre 2014)

Quand il n'est pas synonyme de père Noël - en cette fin d'année, tout le monde l'attend ! -, il éveille bien d'autres imaginaires. Pour le cinéaste serbe Emir Kusturica, dans Arizona Dream (1993), il est le lieu où les poissons renaissent et volent au-dessus des glaces ; pour l'explorateur et scientifique français Paul-Émile Victor (1907-1995), il est le territoire où l'on devient un homme. L'Arctique fait rêver.

Mais, au fait, de quoi s'agit-il ? D'un continent, d'un océan, d'un espace aimanté autour du pôle Nord ? Sans doute tout cela à la fois tant la diversité de la région est plus grande qu'on ne le croit. Les spécialistes aiment d'ailleurs parler de « mondes arctiques », au pluriel. Et au-delà des imaginaires, l'Arctique réveille les ambitions et les convoitises des puissances, car le « pays blanc » serait riche en hydrocarbures et constituerait une route commerciale de premier ordre. Ainsi, la Chine et la Russie regardent la fonte des glaces avec intérêt. Moscou, qui avait déjà planté en 2007 son drapeau en titane au pôle Nord, à quelque 4?200 mètres de profondeur, a même annoncé en septembre 2014 la découverte d'un nouveau territoire russe, Yaya, une micro-île d'à peine 500 mètres carrés de superficie, mais tout un symbole dans la conquête de l'Arctique. Les autres États riverains de l'océan glacial assistent aux manoeuvres du géant russe, certains se demandant pourquoi se donner tant de mal pour contrôler un territoire si hostile à l'être humain. Pour le pétrole ? Personne ne connaît vraiment les ressources en présence et ne sait si elles seront un jour exploitables. Pour la route du Nord, lien commercial entre l'Asie et l'Amérique, plus courte qu'en passant par le canal de Suez ? Son utilisation et sa sécurisation nécessitent la présence de brise-glaces nucléaires extrêmement coûteux et à la portée de peu de compagnies maritimes. Les ONG, elles, s'inquiètent des graves effets sur un environnement et une biodiversité fragiles et uniques au monde.

On l'aura compris : de « terre » imaginaire, l'Arctique est devenu un « acteur » des relations internationales, un « sujet » géopolitique, réveillant un regain d'intérêt, y compris dans les universités. Pour cette fin d'année, Carto propose donc un voyage dans ce(s) Grand(s) Nord(s) méconnu(s), en tentant de montrer la réalité de territoires habités (et pas seulement par des Eskimos), de terres de vie, du Nunavut canadien à la Sibérie russe.
D'autres destinations au coeur de l'actualité sont au sommaire de ce numéro : on retiendra notamment Alep, ville syrienne otage des combats entre forces gouvernementales et rebelles, dont la géographie urbaine et sociale révèle toute la complexité du conflit ; Sumatra, cette île indonésienne vue comme un nouvel « eldorado » ; ou encore le sud-est de la France, que le loup colonise petit à petit.

Par Guillaume Fourmont