Résumé
Il est significatif qu'en ce milieu du XIXe siècle, la photographie soit née en même temps que l'empire Ottoman ouvrait la Terre sainte aux Occidentaux. En donnant à voir le monde tel qu'il était dans ses réalités saisies sur le vif, ce nouveau moyen révélait un pays, jusque là inaccessible, d'où émergeait, à travers les traces encore visibles qui en témoignaient, un passé latent, chargé d'histoire et porteur de sens. Ces images en couleur, riches de leur " vérité vraie ", que propose Images de Terre sainte, suscitaient une sensibilité nouvelle, plus intense que celle qui émanait jusqu'alors des gravures ou des tableaux produits par la main des artistes.L'ouverture du pays, conjuguée à la naissance de la photographie, va susciter un engouement considérable pour ce territoire quasiment abandonné depuis des siècles. La Terre sainte émerge soudain d'un passé enfoui au plus profond de l'inconscient collectif des Occidentaux. " Lorsque j'entrepris le voyage d'outre mer, écrit François René de Chateaubriand, Jérusalem était presque oubliée. Un siècle antireligieux ayant perdu mémoire du berceau de la religion. Comme il n'y avait plus de chevaliers, il semblait qu'il n'y eut plus de Terre sainte ". Ce qui importe pour les photographes n'est pas de restituer le réel tel qu'il se présente en situation mais de faire correspondre les images au schéma mental des Occidentaux tant la Terre sainte est présente dans leur imaginaire. Il s'agit de donner à voir les réminiscences des Saintes Ecritures, les lieux décrits par l'Ancien et le Nouveau Testament, de faire resurgir un passé encore vivant, comme on souffle sur des braises pour faire repartir un feu. La moindre ruine servira de matériau à cette redécouverte. Tout devient vestige, les paysages, les monuments mais aussi les personnes. Chaque Palestinien est acteur malgré lui d'une dramaturgie puisée aux tréfonds de l'histoire. On ne demande pas à la photo d'être vraie mais de " faire vrai ". La Bible est ainsi perpétuée dans ses décors supposés pour redonner vie à une Terre sainte sublimée. Certains n'hésitent pas à dire " qu'on y respire Dieu ". En Europe le rêve d'Orient est entretenu, voire amplifié, par ces milliers de photographies venues de Terre sainte qui se vendent à l'unité ou en album. Mais l'engouement se transforma en passion lorsque fut inventé, en 1888, par la société suisse Orell Fussli le procédé photochrome. Le principe, relativement simple, consistait à l'élaboration d'une mise en couleur des négatifs photographiques, teinte par teinte, et à la recomposition de l'ensemble selon le procédé lithographique. Cette véritable révolution, qui mariait photographie et peinture, est à l'origine d'incontestables chefs d'oeuvres. Images de Terre sainte présente ces vues exceptionnelles pour la première fois : 129 images inscrites dans un long parcours des principaux lieux sacrés, que l'on découvre inchangés, tels qu'ils sont décrits dans les textes les plus anciens.