Résumé
On reconnaît immédiatement une photographie d'Helmut Newton. Comme s'il avait inventé un monde, le sien, à nul autre pareil, et une écriture photographique singulière, totalement maîtrisée, apollinienne, presque froide.
Et, de Newton, l'imaginaire collectif a retenu une iconographie triomphante, solaire, faite de femmes en gloire, athlétiques, puissantes et désirantes, d'un érotisme glacé, de piscines californiennes à la David Hockney, de palaces fastueux, de fourrures et de bijoux. Bref, le monde des riches.
Mais on sait moins le versant obscur, dionysiaque de l'oeuvre : la satire des riches et des puissants, l'élaboration d'un érotisme des ténèbres, où se jouent rituels SM, minerves, prothèses, enserrements du corps, et qui ouvre l'apollinisme apparent des images à la blessure dionysiaque. Jusqu'à la mise en scène des "doubles" à l'inquiétante étrangeté freudienne, des "écorchés", des vrais-faux cadavres, des meurtres. Jusqu'à la cruelle lucidité, enfin, de son regard sur le vieillissement des corps - y compris le sien, qui fut confronté à la maladie.
Surtout, et d'autant plus qu'il en a très peu parlé et s'est toujours refusé à en faire son fonds de commerce, on ignore que le jeune Helmut est d'abord un Juif berlinois rescapé de l'extermination nazie, dont la vie a sans cesse rejoué la figure mythique du Juif errant et qui trouva dans Paris, sa ville d'élection, le lieu où s'enraciner enfin, après Singapour, l'Australie, Londres et Los Angeles.
Et c'est précisément à l'aune de cette judéité, jamais revendiquée comme telle mais douloureuse, que l'auteur a voulu réexaminer le corpus newtonien : en témoignent ces corps de femmes puissantes qui s'avèrent la réplique du corps aryen glorifié par le nazisme, le fétichisme des uniformes, du cuir et des casques, la présence obsédante des chiens, ou encore les portraits de Léni Riefensthal, l'égérie du Troisième Reich.
Mais, de ce désastre "germanique", Newton n'aura jamais fait la plainte amère ou rageuse : il a choisi, tout au contraire, de le magnifier.
L'auteur - Dominique Baqué
Ancienne élève de l'Ecole normale supérieure, agrégée de philosophie et maître de conférences à l'Université Paris-VIII, Dominique Baqué signe chaque mois la chronique "Photographie" de la revue Art Press, Elle est notamment l'auteure de Maurice Tabard (Belfond, 1991), Les Documents de la modernité (Jacqueline Chambon, 1993) La Photographie plasticienne : un art paradoxal et Mauvais Genre(s) (Editions du Regard, 1998 et 2002), Pour un nouvel art politique (Flammarion, 2004).
Autres livres de Dominique Baqué
Caractéristiques techniques
PAPIER | |
Éditeur(s) | Editions du Regard |
Auteur(s) | Dominique Baqué |
Parution | 05/09/2019 |
Nb. de pages | 280 |
Format | 17,5 x 24,5 |
Couverture | Broché |
Poids | 1025g |
Intérieur | Quadri |
EAN13 | 9782841053872 |
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