Résumé
Quel "étrange dialogue", constate Maurice Papon à la fin de ces entretiens dans lesquels les deux personnages clés du plus long procès de l'histoire de France se retrouvent côte à côte, loin des fureurs militantes et des simplismes médiatiques, pour essayer de faire progresser la connaissance sur l'épisode le plus tragique de notre histoire. Les livres de dialogues sont parfois, trop souvent, des échanges de complaisance... Rien de tel ici. Deux hommes d'horizons, de vies, d'âges et de cultures très différents se retrouvent avec une totale liberté de ton. Au terme de recherches historiques et d'un parcours judiciaire de près de vingt ans, ils confrontent, sans concessions, les souvenirs de l'un avec les analyses documentées de l'autre. Qui aurait dit à Michel Bergès, universitaire, historien, professeur de sciences politiques, qui travaille, depuis des années, sur l'histoire de Bordeaux pendant l'Occupation que quelques documents de la Préfecture de la Gironde, découverts par hasard, allaient être à l'origine d'une affaire judiciaire hors du commun ? Et surtout, que refusant l'exploitation abusive, son travail honnête et obstiné l'obligerait, en conscience, à reconnaître l'évidente innocence de celui qu'il avait, un moment, cru coupable ? Qui aurait dit, en 1981, à Maurice Papon, ancien préfet de police du général de Gaulle, encore ministre du budget quelques mois auparavant, qu'une mauvaise polémique de presse que sa bonne foi, ses souvenirs et la droiture de sa conscience lui avaient fait mépriser, allait l'entraîner dans un cauchemar judiciaire sans fin ? Ecarté volontairement de l'instruction parce qu'il n'était pas assez docile et que l'histoire n'avait rien à y faire, Michel Bergès apporte ici des documents entièrement nouveaux et fait, dans ses analyses, des découvertes décisives. Débarrassé du harcèlement médiatique et des manipulations judiciaires, Maurice Papon prend du recul pour affiner sa mémoire, reconstituer ses souvenirs et reprendre son journal de l'époque. Trop connue pour être bien connue, l'affaire Papon apparaît ici sous un jour profondément différent, que laissaient déjà pressentir les analyses croisées des auteurs avec celles d'Hubert de Beaufort dans sa Contre-enquête. En fait, Michel Bergès et Maurice Papon refont une instruction qui, en quinze ans, ne s'était pas intéressé aux principaux témoins vivants, français comme allemands, avait tenu pour négligeable l'occupation nazie et avait même refusé de se préoccuper des archives de l'Intendance de police de Bordeaux... Il est vrai que, comme le disait le président Castagnède au cours du procès, "l'interrogatoire n'est pas destiné à établir une vérité mais à permettre à la Cour et aux jurés de se faire une opinion". Une opinion ou la vérité ? Dans cette affaire, la justice et l'histoire ne sont, décidément, pas d'accord...