Résumé
Ce récit n'a de commun avec "L'Exodus" de Léon Uris que le nom symbolique d'un bateau. L'histoire de l'Exodus, qui a marqué l'apogée de la lutte des Juifs de Palestine contre le veto britannique au mouvement d'immigration des rescapés des camps nazis, est restée jusqu'à présent secrète: c'est celle du réseau mis en place après la guerre par la Haganah. L'Europe est à cette époque en ruine; il faut organiser le départ "malgré tout" des "Personnes Déplacées". Le combat est difficile. En juillet 1947, un navire d'immigrants "illégaux", chargé de 4 500 passagers, est arraisonné au large de la Palestine. Au terme d'un corps à corps meurtrier, ses occupants sont ramenés par les Anglais dans les eaux territoriales françaises à bord de trois bateaux-prisons, au lieu d'être internés à Chypre comme les précédents. Ayant refusé de descendre à terre à Port-de-Bouc, et les autorités françaises ne les y ayant point contraints en dépit des pressions diplomatiques et politiques, ses occupants retournent à leur point de départ: débarqués de force à Hambourg, ils réintègrent les camps de la zone britannique d'Allemagne. L'auteur, qui a vécu comme jeune journaliste l'épreuve de Port-de-Bouc, a retrouvé, vingt ans après, les acteurs de cette tragédie, des plus humbles aux plus importants: le commandant de l'opération, le capitaine du navire, le chef-radio, l'infirmière, les émigrants, les familles des victimes, les complices des évasions, etc. Il a interrogé les témoins, les dirigeants du réseau, les hommes politiques contemporains, les simples exécutants. En Israël, à l'occasion de la Guerre des Six jours, il a eu accès, pour la première fois, aux archives secrètes de l'organisation responsable de l'immigration clandestine, et, en France, à celles de la D.S.T. (contre-espionnage) et des Renseignements Généraux. Il a pu se procurer le journal de bord de l'"Exodus", l'intégralité de ses messages chiffrés (et leur traduction décodée), les carnets intimes de son équipage et de ses passagers, les notes confidentielles échangées entre les gouvernements concernés et les ministères en cause, les rapports des services préfectoraux et maritimes, etc. La masse des récits et des documents qu'il a ainsi recueillis, recoupés et ajustés, comme autant de pièces d'un puzzle, lui ont permis de reconstituer en détail la trame et le déroulement réels du roman vrai de l'"Exodus". Si la relation de Jacques Derogy prend ici la forme et les accents d'un roman d'imagination, ce sont les faits, rapportés dans leur émouvante authenticité, qui lui confèrent cette tragique dimension. La vérité aussi peut s'écrire comme un roman.