Résumé
La criée du temps, c'est d'abord le cri, parce que la poésie est un combat. C'est ensuite le temps, celui qui reste et le temps vécu, avec ses habits de nostalgie, de petits et grands bonheurs, de souffrances et d'espoirs. C'est enfin le temps vendu à la criée, comme un poisson encore vivant qui ouvrirait la bouche sur l'étal du marchand dans un dernier effort d'existence. Le temps des amours trop tôt enfuis, des pas qui s'éloignent, comme si des forces invisibles refusaient que deux êtres puissent continuer à s'aimer sous le regard bienveillant des heures qui passent. Il faudrait donc arrêter ce temps là, comme dans une danse du balai macabre où les mains se détachent et que chacun continue de son côté avec juste la tentation, vite éteinte, de se retourner une dernière fois. Il faudrait le vendre au plus offrant, ce magnifique temps d'amour transformé en souvenir, pétrifié, refroidi. Mais pour celui qui refuse cette fatalité, alors chaque poème devient une révolte contre l'ordre établi des amours qui devraient se succéder, contre la facilité des sentiments interchangeables, contre l'infidélité à l'absolu. La rencontre avec la terre, un chien enragé, un train venu de nulle part, un désert imaginé: autant de signes de la permanence, de l'engagement, du rêve de résistance. Toutes les formes poétiques peuvent être mobilisées, le chant populaire, l'ellipse, le conte, les rimes ou les non- rimes, pour autant que le rythme des mots impose sa force. C'est le rythme qui fait exister ces poèmes, comme le vent fait exister le sable du désert. "Qui rêvera dans les traces de nos pas effacés" ? disait Mano Dayak. Ces poèmes sont faits pour accueillir ceux qui veulent encore rêver dans les traces de nos amours effacés.