Résumé
Ce Fage, relieur de la Cour des Comptes et du Conseil d'État, ayant obtenu de garder son logement échappé à l'incendie, était, avec la concierge, le seul locataire du palais. «Entrons chez lui un moment, dit Védrine... tu vas voir un bon type...» En approchant de la maison, il appela: «Hé! père Fage!...» Mais le modeste atelier de reliure était désert, l'établi devant la fenêtre, chargé de rognures, de grandes cisailles à carton, de registres verts cornés de cuivre sous une presse. La singularité de cet intérieur, c'est que le cousoir, la table en tréteaux, la chaise vide devant elle, les étagères sur lesquelles s'entassaient les livres et jusqu'au miroir à barbe pendu à l'espagnolette, tout était de petite dimension, à hauteur et à portée d'un enfant de douze ans; on aurait cru l'habitation d'un nain, d'un relieur de Lilliput.
«C'est un bossu, chuchotait Védrine à Freydet, et un bossu à femmes, qui se parfume et se pommade...» Une horrible odeur de salon de coiffure, essences de roses et de Lubin, se mêlait au relent de colleforte qui prend à la gorge. Védrine appela encore une fois vers le fond où était la chambre; puis ils sortirent, Freydet s'amusant de cette idée d'un bossu Lovelace: «Il est peutêtre en bonne fortune...
Tu ris... Eh bien! mon cher, ce bossu se paye les plus jolies femmes de Paris, s'il faut en croire les murs de sa chambre tapissés de photographies signées, dédicacées: A mon Albin... à mon cher petit Fage... Et pas de souillons: des filles de théâtre, la haute bicherie. Il n'en amène jamais ici; mais de temps en temps, après une bordée de deux, trois jours, il vient, tout frétillant, me raconter à l'atelier, avec son hideux rictus, qu'il s'est offert un inoctavo superbe ou un joli petit indouze, car c'est ainsi qu'il appelle ses conquêtes, selon le grand ou le moyen format.
Et il est laid, tu dis?
Un monstre.