Résumé
Contre cet intolérable malaise, je n'avais qu'un remède, celuilà même qui venait de si bien me réussir visàvis de ma mère. Aux envahissements de l'imagination, il fallait opposer le réel, me mettre en présence de l'homme que je soupçonnais, le voir droit en face, tel qu'il était, non point tel que me le présentait mon esprit, de jour en jour plus fiévreux, plus incapable de juger ses visions. Je discernerais alors si j'avais été victime d'un cauchemar; et le plus tôt serait le mieux, car mon angoisse grandissait, grandissait dans ma solitude. Ma tête se troublait. Je finissais par ne plus même douter. Ce qui n'aurait dû être qu'un tout faible indice faisait maintenant preuve accablante dans ma pensée. Il n'était que temps de réagir, dans l'intérêt même de mon enquête, si je devais être amené à pousser plus avant; ou bien je tomberais dans cet état nerveux que je connaissais trop, et qui me rendait toute action de sangfroid impossible... Je me décidai donc à quitter Compiègne. Je voulais revenir à Paris, voir mon beaupère, et, d'après la première impression que je lui produirais en me présentant devant lui à l'improviste, je jugerais du plus ou moins de valeur de mes soupçons. Je fondais cette espérance sur un raisonnement que je m'étais déjà fait à l'occasion de ma mère. Je me disais que M. Termonde, s'il était mêlé à l'assassinat de mon père, avait redouté pardessus tout la pénétration de ma tante. Leurs relations avaient été cérémonieuses, avec un fond de haine de sa part, à elle, qui n'avait certes pas échappé à cet homme si fin. Coupable, ne devaitil pas craindre qu'à son lit de mort la vieille fille ne m'eût confié ses pensées? L'attitude qu'il aurait avec moi, lors de notre première entrevue, serait donc une épreuve d'autant plus concluante que cette entrevue serait plus subite et qu'il aurait moins de temps pour s'y préparer. Que risquaisje à la tenter, cette épreuve? Tout au plus resteraisje dans le doute, mais il était probable que je serais rassuré du coup.