Résumé
Illustrations de Georges Mathieu
« Bords. Ce recueil d'essais, publié en 1963 par l'écrivain français Raymond Queneau (1963- 1976), est sous-titré : mathématiciens, précurseurs, encyclopédistes. Trois des textes sur des questions mathématiques y sont repris de l'édition originale (1950) de Bâtons, Chiffres et Lettres. La présentation de l'Encyclopédie de la Pléiade (originellement un « prospectus publicitaire » de 1956) est, ici, enfin éditée. Les autres textes sont reproduits de périodiques ou d'oeuvres collectives. De l'assemblage, il doit être dit qu'il s'impose. Il y entre de rares curiosités et analyses langagières et littéraires : Grainville, écrivain havrais, né en 1746, mort en 1805, auteur d'une étrange épopée anticipant les oeuvres d'anticipation, Le Dernier Homme ; Poe, comme annonciateur du roman policier ; des grammairiens d'Aquitaine qui, au XVIe siècle, font, si l'on veut, prévoir la Veillée de Finnegan de Joyce. Quant à l'essentiel, le livre se constitue dans deux ordres de matériaux intimement et vitalement fréquentés par cet auteur : les mathématiques et les encyclopédies. Ce qui est ici dit de la mathématique montre que Queneau n'a pas varié dans l'essentiel de ses choix, ni dans les orientations de son entreprise fondamentale. Dès Odile il est obsédé de mathématique, et jette la suspicion sur la dialectique (en même temps, il y refuse le principe de contradiction introduit par les surréalistes entre technique et inspiration en littérature). Or, en 1963 et dans ce livre : ... la mathématique supérieure ou non a subi pendant tout le cours du XIXe une évolution en tout point contraire au programme d'Engels : elle a éliminé toute apparence de dialectique. Queneau ne le dit pas pour river son clou à qui que ce soit, mais pour désigner des chemins indiscutablement dignes à ses yeux de notre fréquentation. Un article sur Charles Fourier (et à son propos sur Engels et Marx) lui donne occasion de citer, approximativement, celui qu'il commente, Fourier même : Notre premier fanal doit être la science éminemment juste, les mathématiques. Et dans la présentation de l'Encyclopédie de la Pléiade, Poincaré disait : Je ne comprends qu'on ne comprenne pas les mathématiques. En effet, puisqu'elles sont la structure même de l'esprit humain. Quant à l'Encyclopédie entreprise par Queneau, il l'a voulue (selon son très beau texte de présentation) : quant aux finalités à la fois enseignement, bilan, ouverture sur l'avenir ; quant aux utilisations à la fois comme livre de lecture continue, et comme ouvrage de référence . » LAFFONT-BOMPIANI, Dictionnaire desOEuvres contemporaines.