Résumé
L'Œuvre au Noir est l'histoire d'un personnage fictif, Zénon, médecin, alchimiste, philosophe, depuis sa naissance illégitime à Bruges au début du XVIe siècle jusqu'à la tragique catastrophe qui termine sa vie. Nous le suivons dans ses immenses voyages à travers l'Europe et le Levant de son temps, dans ses travaux de médecin des pestiférés et des pauvres et dans ses fonctions de médecin de cour, dans ses recherches en avance sur la science officielle de son temps et dans sa critique de la connaissance elle-même, dans ses expériences de l'esprit et de la chair, dans son perpétuel et dangereux faufilement entre la révolte et le compromis. Ce Zénon dont les angoisses et les problèmes n'ont pas cessé d'être actuels, ou sont en passe de le redevenir, répond à un type d'esprits ayant en quelque sorte traversé subrepticement la Renaissance, à mi-chemin entre le dynamisme subversif des alchimistes du Moyen Âge et les hardiesses techniques du monde moderne, entre le génie visionnaire de l'hermétisme ou de la Cabbale et un athéisme qui ose à peine dire son nom. Le personnage tient, par sa destinée et sa pensée, du grand chimiste allemand Paracelse, de Michel Servet, préoccupé lui aussi de recherches sur la circulation du sang, du Léonard des Cahiers, et du philosophe singulièrement audacieux que fut Campanella À côté de Zénon, quatre ou cinq principaux personnages font route eux aussi dans le labyrinthe de leur siècle : sa mère Hilzonde et son beau-père Simon Adriansen, emportés dans la tempête de l'anabaptisme ; son cousin Henri-Maximilien, compagnon de Montluc au siège de Sienne, gentilhomme aventureux et lettré, point dépourvu de sa modeste quote-part de sagesse humaniste ; son protecteur et ami le pieux prieur des Cordeliers, grand seigneur entré sur le tard dans les ordres, déchiré par les maux et le désordre du monde, en qui s'unissent à part égale la passion de la justice et la charité. L'Œuvre au Noir, comme les Mémoires d'Hadrien, est un de ces livres que Marguerite Yourcenar aura portés toute sa vie.