Résumé
"Le Grand Cercle", paru à New York en 1933 aux éditions Charles Scribner's Sons, deuxième roman de Conrad Aiken (1889-1973), était jusqu'alors inédit en français.
Poète majeur d'une œuvre considérable, nouvelliste sublime, critique..., également éditeur d'Emilie Dickinson, homme dont la discrétion fut exemplaire, poursuivant la résonance de son temps sans y être esclave, et dont l'influence fut décisive sur des œuvres telle celle, répétons-le, de Malcolm Lowry qui, de ses propres mots, reconnut en lui « un père spirituel », Aiken est cependant resté dans l'ombre.
Ce roman se compose de quatre grands chapitres évoquant des mouvements musicaux quasi indépendants les uns des autres, notamment le deuxième chapitre, lequel entièrement entre parenthèses, en flash-back, revient sur l'adolescence d'Andy, là où tout se serait joué en effet... Par ailleurs, ce second chapitre n'est pas sans rappeler de par son approche sensible de l'enfance et de l'adolescence sa nouvelle : "Étrange clair de lune".
Andy devenu Andrew Cather le Borgne, héros ou plutôt anti-héros moderne, porteur d'une culture classique, est à l'image de l'écrivain lui-même. Les références y sont plus européennes qu'américaines ; Melville, Poe, aux côtés de Shakespeare, Michel-Ange et Dante, comptent parmi les présences d'un univers qui ne craint pas les outrances, les ruptures de temps et de ton. Ajoutons à ces présences, celle de Freud qui lut "Le Grand Cercle" et en fut séduit au point de vouloir rencontrer son auteur.
Écrit dans une période difficile dans la vie de son auteur se considérant, non sans humour, lui-même « posthume », suite à une tentative de suicide, ce roman peut être considéré comme l'expérience d'une remontée vers un renouveau de la vie calquée sur la déconvenue banale d'un couple : une tromperie.
Dans une lettre datée du 24 octobre 1932 à un ami, en fin de la rédaction du Grand cercle, « son fidèle vieux cauchemar » tel qu'il le qualifiait encore dans cette même lettre, Conrad Aiken notait : « On ne change jamais sans un Acte ? Mais les mots sont des actes, les idées sont des actes, les sentiments sont des actes, les attitudes sont des actes ? » Ces questions tangentes, sans réponses, qui se veulent aussi affirmatives, semblent en ce roman côtoyer l'impossible. Un grand cercle se dessine...