Résumé
Quand on descend la rue Montmartre en
venant des Grands Boulevards, on trouve, à
l'angle de la rue du Croissant, le café, devenu
un bar à vins, où Jaurès a été assassiné par
Raoul Villain, à la veille de la Première Guerre
mondiale. Un peu plus loin, sur le même trottoir,
se dresse le bâtiment qui hébergeait autrefois le
siège de L'Aurore. Il y a longtemps que l'immeuble
n'abrite plus d'organe de presse, mais la façade,
surchargée de sculptures, a conservé son décor
d'origine. On y distingue, figées dans la pierre,
d'élégantes cariatides qui soutiennent un balcon
surmonté par des colonnes de style corinthien.
Une fois que l'on a dépassé cet immeuble, il
suffit de tourner à gauche pour pénétrer dans
une petite rue étroite, d'allure quasi médiévale,
la rue Saint-Joseph. C'est là que se situe la
maison de naissance d'Émile Zola, au n° 10.
Une plaque y a été apposée en 1924. Elle indique
simplement la date de naissance de l'écrivain,
qui a vu le jour au 4e étage de cette habitation,
le 2 avril 1840.
La rue Montmartre et la rue Saint-Joseph
présentent ainsi, à quelques mètres de
distance, les deux lieux où s'inscrit la trajectoire
biographique suivie par l'écrivain - de l'année de
la naissance à la publication de « J'Accuse... ! »
dans L'Aurore, le 13 janvier 1898, alors que la
France traverse la crise de l'affaire Dreyfus. Mais
l'existence du romancier ne s'est pas déroulée
tout entière dans ce périmètre restreint du
2e arrondissement. De la rue Saint-Joseph,
d'ailleurs, Zola n'a probablement conservé
aucun souvenir, car il l'a quittée à l'âge de
trois ans, emmené par ses parents à Aix-en-
Provence où son père, un ingénieur, s'installait
pour travailler à la construction d'un barrage
qui devait alimenter la ville en eau potable. En
mars 1847, hélas, l'ingénieur François Zola
meurt brutalement, emporté par une pneumonie
sur le chantier de son barrage, laissant sa
famille dans une misère qui ira grandissante.
Mais en dépit de ces difficultés matérielles,
l'adolescence d'Émile Zola apparaît comme une
période heureuse. Choyé par sa mère, le futur
écrivain trouve, en parcourant la campagne
aixoise, des moments de liberté et d'exaltation
dont il gardera toujours la nostalgie.
Il ne doute pas de son talent. L'avenir se
présente à ses yeux, riche de promesses
multiples. Il en imagine les contours en
compagnie de ses amis, Jean-Baptistin Baille
et Paul Cézanne. Tous les trois, ils forment un
trio d'« inséparables » dont les intelligences
s'associent en se complétant. Émile a décidé
qu'il serait un écrivain. Baille veut se tourner
vers les sciences (de fait, il entrera bientôt à
l'École polytechnique). Quant à Cézanne, il rêve
de devenir peintre...
Lorsqu'il revient à Paris, à l'âge de dix-huit
ans, une réalité moins riante s'impose
à Émile Zola. Sa mère a pris la décision de
s'installer dans la capitale pour essayer de régler
les problèmes financiers liés à la succession
de son mari. Émile Zola poursuit ses études
au lycée Saint-Louis, où il est admis comme
boursier. Il se sent mal à l'aise au milieu des
jeunes bourgeois qui sont ses condisciples. Paul
Alexis (qui sera son biographe en 1882, avec ses
Notes d'un ami) raconte qu'« il vécut au lycée
Saint-Louis, sombre et ramassé sur lui-même,
regrettant la Provence et son enfance si libre,
pensant à chaque instant à ses anciens amis. »
Un double échec au baccalauréat conclut cette
période d'incertitude. Commencent des années
de bohème, marquées par la misère.