Résumé
"Les Goncourt furent"un grand ecrivain". Ils en eurent tous les caractères : l'originalite, la fecondite, et la diversite.
L'originalite est le don premier, mysterieux et formidable ; sans lui, toutes les autres qualites de l'ecrivain sont steriles, nuisibles, et même un peu ridicules, le jour où l'homme de lettres laborieux et intelligent, mais pas davantage, fier de multiples aptitudes, se veut dresse en statue sur un piedestal de tomes. Plus digne de gloire est le genie intermittent ou soudain qui se manifeste par de capricieux eclairs ou par la lueur inattendue d'un rayon seul et qu'on ne reverra pas. Les Goncourt appartiennent à la caste des genies continus et sans defaillance ; s'ils ne doivent pas être nombres parmi les demi-dieux, ils le seront parmi les heros qui accumulèrent un total de belles actions egal à une oeuvre unique et grandiose. Chacun des livres des Goncourt fut une de ces belles actions, chacune d'une beaute differente et neuve.
Historiens, appliquant aux evenements d'hier la methode documentaire d'Augustin Thierry, ils restituèrent, en place d'une vision de parade, un XVIIIe siècle vivant et sincère, rajeuni par la typique anecdote, eclaire par le sourire des femmes, explique par le costume, par le billet, par l'estampe, par le cri de la rue, par l'epigramme, par le mot. Cette sorte d'histoire n'est pas toute l'histoire, mais c'est peut-être la seule qui puisse interesser desormais des esprits devenus sceptiques par trop de lectures et plus curieux de comprendre les differences que de ramener à l'unite la diversite des evenements. Si l'on ne retient de l'histoire que les faits les plus generaux, ceux qui se prêtent aux parallèles et aux theories, il suffit, comme disait Schopenhauer, de conferer avec Herodote le journal du matin : tout l'intermediaire, repetition evidente et fatale des faits les plus lointains et des faits les plus recents, devient inutile et fastidieux ; Bossuet le rejette. Ce fut la première originalite des Goncourt de creer de l'histoire avec les detritus mêmes de l'histoire."
L'auteur - Jules Lemaître
Lauréat du concours général, ancien élève de l'École normale supérieure et agrégé des lettres en 1875, François Élie Jules Lemaître fut successivement professeur de rhétorique au lycée du Havre, maître de conférences à l'École supérieure des lettres d'Alger en 1880, chargé de cours de littérature française à la Faculté des lettres de Besançon en 1882 et professeur à celle de Grenoble en 1883.
Collaborateur de la Revue bleue et du Temps, il se fit connaître comme critique dramatique au Journal des Débats. Ses critiques ont été recueillies dans Les Contemporains (7 séries, 1886-1899) et Impressions de théâtre (10 séries, 1888-1898). En 1884, il renonça à l'enseignement pour se consacrer exclusivement à la littérature.
S'essayant lui-même au théâtre, il donna Révoltée à l'Odéon, Le Député Leveau au Théâtre du Vaudeville et Le Mariage blanc au Théâtre-Français. Il a également publié des contes, des nouvelles, un roman (Les Rois), et des poésies.
Dans les années 1880-1885, il fit la connaissance de la comtesse de Loynes, ancienne courtisane et son aînée de quinze ans. Elle allait devenir la femme de sa vie et lui le centre de son salon en même temps que l'instrument de son ambition politique. C'est sous son impulsion que Lemaître participa en 1899 à la fondation de la Ligue de la patrie française, ligue antidreyfusarde modérée, destinée à faire campagne pour la reconnaissance de la culpabilité du capitaine Dreyfus, et dont il devint le président. En cette qualité, il prononça de nombreux discours et collabora à L'Écho de Paris. Il démissionna en 1904. La Ligue disparut à cette date.
Parmi les autres membres de cette Ligue, figurent de grands noms, comme les critiques Émile Faguet et Francisque Sarcey, les peintres Edgar Degas et Auguste Renoir, le poète José-Maria de Heredia, etc.
Lemaître appartint ensuite à l'Action française dès sa création en 1908, qui coïncida avec la mort de Madame de Loynes.
Il fut élu à l'Académie française le 20 juin 1895 au fauteuil laissé vacant par Victor Duruy.
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