Résumé
Est-ce qu'il nous faut lutter et nous redresser avec héroïsme lorsque les années s'accumulent lorsque notre corps fatigue et notre pensée piétine parce que blessée d'oublis et de maladresses ? Cachés et tremblants derrière nos colères et inévitables somnolences, devons-nous absolument dénier notre dégénérescence ? Ou faut-il nous réfugier, écartant toute envie, dans les tranchées de la tristesse, goûtant, apeurés, l'humidité de la terre ou imitant déjà la rigidité de la pierre ? Dépendants et inutiles, devons-nous ressasser ce que nous avons perdu, pleurer de peur devant la nuit, ou nous soumettre à l'idée d'une « vie future » et nous rallier aux prêtres des légendes pour ne plus désespérer ?
Reste qu'un soleil fauve s'éveille en la vieillesse, car la lumière ne naît pas seulement avec l'aube. Mais c'est un soleil cette fois de rupture et de différence, d'écart et de silence. Il ne crée pas de sens, il n'est plus chaleur ni illusion comme avant, plutôt regard de feu et murmure de temps. C'est le moment de la vie où la brume se moque des apparences, où les vérités d'antan ne sont plus que des ombres, mais où, de bientôt disparaître, s'entrouvre en nous une étrange profondeur. Alors, ces quelques mots, ces quelques tomes, pour approcher timidement, presque distraitement, ce précieux sang de l'absence que « découvre » la vieillesse.
Éducateur à la justice des mineurs plusieurs années durant, Jean-Michel Labadie étudie en parallèle la psychologie. Il devient analyste et, après une thèse d'État, professeur des universités en psychopathologie clinique et sociale. Aujourd'hui, avec des « mots à lui », il goûte le plaisir d'écrire tableaux et scènes de l'absence et de l'ambivalence dans ses différents ouvrages Les mots du crime (De Boeck, 1995), Psychologie du criminel (L'Archipel, 2004) et Les mots qui s'en vont (tomes 1 à 7, Éditions Baudelaire).