Résumé
Personnage de poésie, on.e est née à la croisée des deux pans de recherches, comme si elle y avait été au fond en gestation depuis des années : d'une part, la question matricielle de l'impersonnalité ; d'autre part, les violences faites aux femmes. Le fait que cette violence ait été vécue, qu'elle ait laissé son trauma, ne suffit pas, et appelle un dépassement de l'autobiographique. Justement, l'impersonnalité a joué le rôle de "ferment actif" qui a permis de "décoller" l'écriture de l'histoire personnelle pour plonger dans le devenir social, économique et culturel de la femme, au regard de siècles d'oppression et d'invisibilisation. En ce sens, On.e renoue avec la veine de Gens de peine (Nous, 2014), faisant écho, cette fois au féminin, à ces anonymes, ces "dénommés", écrasés et laissés-pour-compte de la société. Ce bâillon traditionnel et tout le spectre des violences, de banales à mortelles (effacement, contrôle, humiliations, enfermement, insultes, coups, mutilations, viol, meurtre), force est de constater qu'ils se manifestent dans la langue, dès la langue. Ils se traduisent d'abord ici par l'adoption d'une forme : le texte procède par strophes entrecoupées et couples de vers brefs, haletants, comme boiteux, soudain dépareillés. En outre, il est apparu à l'autrice qu'elle ne pouvait pas ne pas situer son écriture en ce point aveugle de résistance de la langue à la langue, où le féminin cherche à percer et oscille indéfiniment à la recherche de lui-même, de sa place et de sa potentialité, par le biais de l'écriture inclusive. Par souci de cohérence et par une force interne à l'oeuvre même, il était impossible de faire autrement sans trahir ni affaiblir ce texte : il a donc fallu en prendre le risque.
L'auteur - Aurélie Foglia
Aurélie Foglia a porté un temps le nom de Loiseleur, sous lequel elle a commencé à publier (Hommage à Poe, La dame d’onze heures, 2007, Entrées en matière, Nous, 2010). Redevenant Aurélie Foglia, elle a ensuite donné Gens de peine (Nous, 2014), Grand-Monde (Corti, 2018), livre tourné vers les arbres, et Comment dépeindre (Corti, 2020), ainsi qu’un roman, Dénouement (Corti, 2019).
En parallèle Aurélie Foglia est plasticienne, peintre d’arbres à mains nues : une partie de ses toiles, entièrement détruites dans le cadre d’un articide, restent visibles sur son site www.a-foglia.com. La dernière saison de Comment dépeindre, geste de la poésie vers la peinture, revient sur cette forme d’amputation.
Lirisme a commencé sous forme de feuilleton de poésie en 2018 sur internet dans la revue Catastrophes puis, pour une sélection de ces premiers poèmes, en publication papier dans le numéro 2 (2019). D’autres de ces inédits sont parus dans le numéro 74 de la revue NU(e) hébergée par le site Poezibao (décembre 2021).
Aurélie Foglia enseigne la littérature moderne à l'Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle. Elle donne régulièrement des lectures et des ateliers d’écriture. Elle est aussi l’auteure d’essais, de nombreux articles sur la littérature (XIXème-XXIème siècles) et d’éditions critiques (Lamartine, Staël, en livre de Poche et Folio classique). Le culte de l’impersonnalité, essai sur Baudelaire, va paraître en 2022 aux éditions de La Rumeur libre
Autres livres de Aurélie Foglia