Résumé
Capitale mythique pour les Français et les étrangers, Paris, "la ville aux cent mille romans", disait Balzac, fut l'héroïne du grand roman français des débuts du XIXe siècle à la Belle Époque : sans s'être donné le mot, et malgré la différence des tempéraments et des générations, les écrivains ont décrit cette capitale avec un souci de précision sociale et historique exemplaire. Ce phénomène, unique dans l'histoire, a donné à Paris son charme si particulier de cité littéraire. Le recours au roman, de Balzac à Proust, permet de ressusciter tous les aspects, graves ou frivoles, d'une époque où l'Europe vivait à Paris son éveil à la modernité. L'auteur retrace les débuts de la démocratie et la naissance d'un Paris rouge, l'essor de la presse et de la Bourse, la révolution des omnibus et l'invention des cafés en terrasse et tant d'autres phénomènes évoluant au long du roman du siècle. Les écrivains ont conservé la mémoire des origines de notre vie urbaine mais aussi celle d'une ville disparue : le camp des Tartares au Palais-Royal, les débauches du carnaval, l'octroi ou les baraques du Carrousel que remplace la pyramide d'Ieoh Ming Pei. L'intérêt de cet essai est aussi de révéler l'origine de problèmes actuels : l'apparition de la ségrégation des banlieues, la dictature moderne de la mode, le souci de la pollution et... les atteintes à la vie privée dues aux nouveaux moyens de communication déjà dénoncées par Balzac et Robida ! Il n'est pas nécessaire de connaître les romans cités pour lire cet ouvrage : ce n'est pas un essai sur la littérature mais la mise en scène du roman de Paris ; l'auteur mobilise la parole des écrivains pour restituer leur fraîcheur aux événements du temps : on ira frémir sur les barricades aux côtés d'Hugo et de Louise Michel, s'ébaudir du cancan avec Maupassant ou suivre Léautaud dans la moiteur des passages. Interroger les romanciers permet de retrouver intactes les passions qui enflammèrent leur époque : la Commune, par exemple, ou l'affaire Dreyfus... Brigitte Munier a conçu son livre comme une invitation à la flânerie dans un Paris alors vécu tel un spectacle joué et contemplé par ses habitants. Elle emmène le lecteur de la face brillante de la capitale, avec ses dandys et ses boulevards, à ses coulisses obscures, vers les apaches et la prostitution misérable de la zone. La flânerie devient promenade quand la vie s'accélère avec l'essor de l'industrie et de l'urbanisme au Second Empire : naît alors le Paris que nous connaissons dans l'ivresse de sa construction. L'évolution de la vie parisienne s'est déroulée sans heurts : on ne trouvera pas dans ce livre un morcellement en Paris de Balzac ou de Flaubert, mais une ville unique et mouvante racontée sans relâche par ses écrivains fascinés. Le roman de Paris change à la Belle Époque, quand la ville cesse d'être l'héroïne du roman pour devenir l'enjeu d'une nostalgie : l'obsession de la vitesse a modifié la conception de la ville dont cet essai fait l'analyse jusqu'au seuil de la Première Guerre mondiale.
Docteur en sciences sociales et maître de conférences à l'ENST, Brigitte Munier a publié de nombreux articles et des essais, certains traduits en italien. Elle est l'auteur d'un roman et d'un recueil de nouvelles.