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Librairie Eyrolles - Paris 5e
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Daniel Hébrard

412 pages, parution le 25/08/2005

Résumé

Que sait-on vraiment de son père au moment où il meurt?

Au début du XXIe siècle, un vieil homme meurt dans un petit village des Cévennes. Sa fille a beaucoup de mal à lui arracher le morceau de chiffon qu'il tient serré dans son poing, comme en un ultime geste de révolte. C'est un bout du drapeau de la République espagnole qu'il conserve comme une relique depuis plus de soixante ans... Luis a dix-huit ans en 1936, quand le Front populaire espagnol arrive au pouvoir, aussitôt suivi par le coup d'État du général Franco. À cette époque, dans la campagne andalouse, la vie des paysans est misérable. Fils d'un ouvrier agricole écrasé par la misère et d'une mère rebelle et sauvage qui vomit les riches et les curés, Luis se jette dans la lutte meurtrière contre les franquistes. Désespéré par les jeux politiques stériles dont les plus modestes sont toujours les victimes, il leur préfère la violence du combat et la chaleur de la camaraderie virile. Il sera de toutes les batailles de cette terrible guerre d'Espagne. Puis, chassé par les franquistes, il passe en France, dans le Gard, où il devient mineur. C'est au fond de la mine, où règnent des conditions de travail effroyables, qu'il est à nouveau entraîné dans le combat politique et que, de fil en aiguille, il se retrouve dans la Résistance. De cette traversée de l'enfer, il gardera à tout jamais un dégoût profond de la politique et une foi inébranlable dans la justice, la liberté et l'amitié. Avec une force exceptionnelle, Daniel Hébrard retrace le parcours flamboyant de ce jeune Espagnol à travers une des aventures les plus fascinantes du XXe siècle.

Sommaire

Il suivit son mineur jusqu'à la taille, ils étaient trois. Le travail vite expliqué, extraire un maximum de minerai dans un minimum de temps, la règle de toute exploitation, universelle, sous toutes latitudes. La tâche de Luis était simple, pendant que les deux mineurs arrachaient le charbon, enfoncés au bout de leur veine étroite, il devait le dégager à l'aide d'un panier, des allers et retours à ramper dans le rocher, remplir les wagonnets qui l'attendaient plus bas, la lampe entre les dents, se glissant comme un cloporte. Les autres lui avaient dit que d'habitude c'était le boulot des enfants. Simple manoeuvre, il ne voulait pas gêner, pas ralentir ses camarades, il fit de son mieux, s'écorchant à tout et partout. Première journée il ne prit pas le temps de manger, par manque d'habitude le remblai s'accumulait, le dégager rapidement afin que les autres pussent continuer. Il apprenait vite, boiser en permanence était l'ouvrage d'un de ses compagnons; poursuivre la veine, en tirer le maximum, franchir le rocher, gratter comme une taupe le travail de son autre compagnon. Souvent le boiseur ne boisait pas, ils tiraient le charbon à deux, sans protection, sans sécurité. Luis s'en étonnait, le mineur expliquait: "Tu penses, toi, que ces bûchettes peuvent soutenir la montagne? Quand on boise de temps en temps c'est pour fermer la gueule du contremaître, se faire aplatir là-dessous c'est notre lot!" Martèlements continus, étouffés, en échos, tous se répondaient, redoublaient de hargne, féroce l'air comprimé sifflait, giclait, fuyait. À plat ventre sans jamais se redresser, marteau-piqueur à bout de bras, tremblements en démence, mâchoires serrées, le minerai explosait, coulait. Parfois un air soufflait presque frais sur le visage, suintant de tuyauteries trop usées, blessées par des cailloux trop vifs. Luis et sa pudeur, tout habillé, les autres se mettaient nus, ne gardaient que leur caleçon. Il comprit vite que ça n'était pas un rite, ni une religion. La chaleur tout autant que la pierre vous écrasait, l'humidité oppressait, garrottait. Il termina sa journée de travail à poil comme les autres, à vif, coudes meurtris, genoux en sang. Autre émotion que remonter, écrasé par la vitesse, on reprenait souffle grâce à l'idée qu'on se faisait du dehors, tout se remettait en marche, les poitrines allaient pouvoir contenir le ciel entier et ses nuages. Direction les douches, tout nu, on lui prêta un savon. Toute une technique, certains se lavaient entre eux, d'autres se frottaient le dos contre les parois, on sortait de là les yeux encore maquillés, bordés de noir qui donnait au regard cette profondeur misérable et triste, le visage de ce pays. Le charbon imprégnait, s'infiltrait dans la moindre égratignure, écorchure. À jamais il enfonçait ses griffes, posait sa signature. Mentir était impossible, tatoué, on était reconnu, marqué comme des esclaves. Mis à part les enfants, les hommes de la mine avaient tous un certain âge, au-delà des quarante ans les plus jeunes étaient au front, déjà prisonniers ou simplement morts. Une guerre lointaine et ravageuse. La direction avait fait appel à ces étrangers, si rouges fussent-ils, par besoin de main-d'oeuvre, pour assurer rendements et profits. Roger, son chef, son mineur, ce nouveau compagnon, était un homme court, aux épaules d'hercule, recouverts de poils, seul le visage paraissait glabre, rasé tous les jours, où puisait-il ce courage? Yeux bleus d'amitié, force de cyclope, obsession de termite, l'homme était un juste. Échoué là comme un rat, chassé de ses montagne par la faim, le mal-vivre, maladie des pauvres. (...) "Tu sais que tu travailles pour les boches, que ce charbon est pour eux? M'est avis que tu devrais te calmer!" L'histoire posait ses rendez-vous et c'était ce putain de mineur cévenol qui lui faisait ce croche-patte. Luis ne voulait plus de rencontre avec la politique, persuadé, se contentant de cette naïveté, qu'elle ne pouvait le rejoindre sous terre. Les huit cents mètres de profondeur que la mine mettaient entre lui et la vie le protégeaient des idées des hommes. Il voulait y croire. Roger avec ses remarques, Roger avec ses nouvelles, Roger avec ses réflexions le maintenait sur le gril, il ne pouvait échapper à ses idées. Pas d'actes gratuits, sans conséquences, tout pesait, s'inscrivait dans le mécanisme, il ne pouvait s'en extraire. 1940, l'armistice signée, la France donnée en pâture aux nazis, en coupe réglée, la faillite de l'armée française. Il était clair que le moindre geste productif oeuvrait en faveur de l'Allemagne, de ces fascistes qui avaient recouvert la France de bombes, de terreur, de feux et de foudres, aidant l'épicier Franco à asseoir sa haine, sa victoire de couard. Se laver les mains au fond était un problème, ou l'on se résignait à manger ainsi, ou l'on acceptait de se pisser dessus pour les blanchir, se donner l'illusion de la propreté. À force de déceptions, de tromperies, se pisser sur les mains: l'idée que se faisait Luis de la politique. Aussi rechignait-il à se salir, s'il n'avait touché au charbon il n'aurait pas eu à se laver. Serpent qui se mord la queue, dans le bain il fallait bien qu'il se mouille. Né du côté des pauvres, atavisme chrétien, des siècles de mensonges, il ne pouvait faire semblant, s'aveugler, en frêle équilibre au-dessus de la mêlée, le même combat continuait. Les paysages changeaient, pas les hommes. Les gens du syndicat le talonnaient, Roger en était, convaincu, un rouge. Luis ne pouvait s'échapper sans passer pour un lâche, son état de réfugié espagnol rendait sa situation précaire. Une clique de traîtres au pouvoir en France, les nuages noirs l'avaient poursuivi jusqu'ici et annonçaient l'orage. Aussi la production se mit à ralentir, des pierres se mélangeaient au charbon, avaries sur avaries gênaient la mécanique, les boisements cédaient de toutes parts, la dynamite foirait, les blessures se multipliaient, les conduites d'air comprimé crevaient, les outils cassaient. L'équipe de Luisde dix wagonnets était tombée à cinq, toujours avec de bonnes raisons, accidents, avatars, malchance. De plus en plus on se parlait, Luis possédait maintenant assez de français pour se débrouiller, ne rien perdre des conversations. Le mauvais esprit, le sabotage devenu ligne de conduite. Le moins possible pour des Allemands, gêner leur machine infernale en attendant d'en faire plus. La mine bruissait de complots, d'ententes, on organisait la désorganisation, sans besoin d'ordres. Tout un peuple disait non, n'obéissait plus, faisait semblant, les têtes s'échauffaient, s'emballaient, prêt à la bagarre.


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Caractéristiques techniques

  PAPIER NUMERIQUE
Éditeur(s) Julliard
Auteur(s) Daniel Hébrard
Parution 25/08/2005 26/06/2014
Nb. de pages 412 -
Format 14.2 x 22.7 -
Couverture Broché -
Poids 566g -
Contenu - ePub
EAN13 9782260016779 9782260019343

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