Analyser l'écriture

Les auspices examinaient le comportement des oiseaux et les haruspices les entrailles des victimes ; ces augures en tiraient des présages, c'est-à-dire ce qui permet de "savoir l'avenir".

L'homme a toujours cherche à connaître le futur en interprétant les "signes" à prévoir le temps qu'il allait faire car l'homme dépendait largement des récoltes ; "à connaître" le sort qui lui était réserve, à lui-même et à ses entreprises.

Du décryptage des signes naîtront les arts divinatoires : la nécromancie, la chiromancie, l'oniromancie, la cartomancie,... voire la lecture du marc de café.

Le destin n'a pas voulu que nous soyons gratifiés d'une graphomancie, mais d'une graphologie, définie par le Robert comme : "l'étude du graphisme, de ses lois physiologiques et psychologiques", d'une graphologie souvent utilisée pour tenter de prédire les possibilités de l'homme dans une activité donnée.

Patrick Gilbert et Christian Chardon nous apportent une démarche et un outil nouveaux en graphologie. Quelle est l'originalité de leur travail ? Comment le situer ?

Lorsque nous percevons notre environnement, nous en recevons des stimulus, disent les psychologues. Une question essentielle se pose : quelles sont les différentes façons de prendre ce signe en compte ?

Pour la vraie science, la science "dure", le signe est le fait (objet ou phénomène) qui se manifeste à la conscience par l'intermédiaire des sens ; il est observable, il peut être objectivement décrit tel qu'il parait ou se produit. La science va rechercher les relations causales entre les faits, les lois susceptibles d'expliquer le monde perçu. Pour les proto-sciences, c'est-à-dire les sciences qui n'ont pas encore vraiment le statut de sciences, les sciences "primitives" ou "molles", le signe peut être ou une correspondance ou une ressemblance.

• Le signe est une correspondance : telles la simultanéité ou la succession observées généralement - mais pas a chaque fois - de deux faits ou configurations de faits eux-mêmes observables et pouvant être objectivement décrits. Le but de ces proto-sciences (la médecine, l'économie, la psychologie, etc.) est d'essayer de comprendre plus que d'expliquer Elles utilisent le plus souvent l'arsenal de la statistique mathématique : si vous constatez que, lorsqu'un chat se passe la patte derrière l'oreille, il se met à pleuvoir dans les douze heures qui suivent dans 72 % des cas, et que ces 72 % sont supérieurs à la probabilité de prédiction au hasard, vous en concluez qu'il existe quelque liaison significative. Vous n'êtes pas capable de l'expliquer mais vous l'observez et vous "comprenez" mieux le rapport entre le comportement du chat et le temps. Ce faisant vous vous exprimez scientifiquement....
• Le signe est une ressemblance, telles les ressemblances existant entre deux faits ou ensembles de faits, en les considérant exclusivement sous l'angle de ces seules ressemblances et en faisant abstraction du reste. Ces proto-sciences utilisent l'analogie. Les sciences de l'action, les progrès techniques mais aussi - d'une certaine façon - la formation des concepts, relèvent de cette démarche d'esprit. L'erreur est évidente ; les deux situations se ressemblent: il y a des chances pour que ça marche ; elles ne sont pas non plus identiques: il y a aussi des chances pour que ça ne marche pas. Combien de chances ? On en est réduit soit à des évaluations subjectives en faisant appel à l'expérience du décideur, soit à faire une expérience si l'opération est répétitive. Les proto-sciences font souvent appel aux notions de modèles ou à des classifications. Celles-ci finissent par rassurer et donner l'impression d'achèvement alors qu'elles dissimulent le flou.

Pour les parasciences (les "savoirs" à cote de la science, les fausses sciences), le signe n'est plus le fait observable considéré en lui-même et tel qu'il parait. C'est la valeur symbolique que cette parascience lui attribue, souvent sans preuve, et qui se substitue au signe réel (ex: le signe astral qui n'a plus rien a voir avec la constellation en cause). Nous entrons dans le domaine de la pensée magique (1) et des théories fumeuses. Avec un peu de malchance, nous aurions pu avoir une graphomancie basée sur l'affirmation gratuite: "Il y a un rapport étroit entre le physiologique et le psychologique de l'homme et son écriture". De la, aurait découlé un cortège "d'évidences" posées comme connaissances scientifiques: l'existence de relations d'inspiration anthropomorphique entre les caractéristiques de l'homme (grand, fort, intelligent, dynamique, sociable, etc. ... ) et les signes graphiques (la forme des caractères, leur taille, leur disposition relative, la pression de l'écriture, etc. ... ).

Au vrai, nous l'avons échappé belle, car cela a bien commence ainsi et je ne suis pas sur que cela n'ait pas laissé quelques traces chez nombre de graphologues "intuitifs".

Puis, tout un travail minutieux a été entrepris pour repérer les ressemblances, donc un travail par analogie. Ce travail est intéressant pour l'élève graphologue. Lorsque deux élèves du Groupement des Graphologues Conseils de France, qui étaient en même temps au Conservatoire National des Arts et Metiers, vinrent me confier leur souci de dépasser le cadre des mémoires traditionnels, je leur proposais une expérience rigoureuse en double aveugle afin de voir si l'intelligence pouvait être détectée par la graphologie classique. J'avoue leur avoir tendu un piège, car je savais que les graphologues avaient du mal à évaluer l'intelligence à partir de l'écriture. A ma grande surprise, l'expérience réussit et je commençais a avoir envie d'aller plus loin.

Aller plus loin, cela voulait dire, en ne rejetant pas les apports du passé, être aussi capable de reprendre à la base l'étude des signes graphiques et de leurs correspondances avec des données physiologiques et psychologiques en provenance de sources d'information les plus objectives possible.

Lors de deux congrès successifs de psychologie du travail à Paris, Patrick Gilbert et Christian Chardon avaient présenté des réflexions et études personnelles sur ce thème. Nous convînmes de pousser ces réflexions et de les axer sur la recherche de correspondances significatives, en faisant provisoirement table rase des acquis. La réussite permettrait de hisser la graphologie au rang supérieur des proto-sciences : celles qui permettent d'abord, un véritable diagnostic, ensuite, de faire des prévisions, et, enfin, d'avoir quelque idée de la fiabilité de ces prévisions. Cet ouvrage condense leurs premiers résultats largement positifs : d'autres expériences sont en cours ou prévues.

Dans le souci d'insister sur la méthode expérimentale suivie, d'une part, en souvenir de leur formation de psychologues du travail, d'autre part, ils ont donné à leur démarche le nom de graphométrie. Ils vous présentent leur test EGS (examen graphométrique simplifie) qui a été validé sur des populations importantes.

Ce test peut être utilisé pour tout diagnostic, et, naturellement, pour évaluer, pour pronostiquer les chances de réussite... - ou les risques d'échec - d'un candidat à un poste. C'est la une nouvelle ressource de choix dans l'art difficile de l'embauche, de la promotion, des mutations, et, en général de la gestion des hommes dans les entreprises. Elle concerne, au premier chef, tous ceux qui sont confrontés à ces problèmes ou intéressés à titre personnel par la graphologie.

Patrick Gilbert et Christian Chardon allient à la lucidité et à la rigueur du chercheur, la clarté et la compréhensibilité du formateur. Cet ouvrage, présenté sous forme d'exposés et d'exercices, fait dialoguer théorie et pratique. Il est probable que dans quelques années, ce livre sera un classique, un classique du renouveau de la graphologie.

Les auteurs

Patrick Gilbert et Christian Chardon sont coauteurs de l'Examen Graphométrique Simplifié (E.G.S.). Ce test graphologique repose sur l'étude de plusieurs centaines d'écritures d'ingénieurs, de cadres administratifs, de cadres commerciaux et d'employés et ses critères ont été corrélés avec les résultats obtenus à une batterie de tests très complète.

Patrick Gilbert est né en 1947. Il est titulaire d'une double formation de base psychologique et économique. Initié à la graphologie classique par les meilleurs maîtres (il a notamment été l'élève d'Ania Teillard), il s'est intéressé très tôt à l'application des méthodes expérimentales en graphologie.

Il se consacre depuis une quinzaine d'années au recrutement et à la gestion des ressources humaines. Il est actuellement chef de service à la direction du personnel d'un grand groupe industriel.

Ingénieur mécanicien de formation, devenu psychologue par vocation, Christian Chardon est né en 1941. Près de vingt années consacrées au recrutement et à l'orientation du personnel lui ont donné une solide expérience de la mise au point de batteries de tests sur des populations très diversifiées ainsi qu'une grande pratique des épreuves projectives. Il est depuis plusieurs années responsable de division dans le Service du Personnel d'un grand établissement bancaire.

Patrick Gilbert et Christian Chardon sont respectivement président et vice-président de l'Association pour le Développement des Méthodes dans les Sciences Humaines (A.D.M.S.H.) qu'ils ont fondée en 1984.