Il était minuit cinq à bhopal
Dominique Lapierre, Javier Moro
Résumé
Dominique Lapierre nous emmène dans l'Inde des maharajas et l'Amérique de la haute technologie pour nous raconter l'une des plus grandes tragédies industrielles de l'histoire.
Dans la nuit du 2 au 3 décembre 1984, se produisait dans l'antique cité indienne de Bhopal la plus grande catastrophe industrielle de l'histoire: une fuite de gaz toxiques dans une usine de pesticides, qui fit entre seize et trente mille morts et cinq cent mille blessés... Ce livre raconte l'extraordinaire aventure humaine et technologique qui a abouti à cette catastrophe. C'est une fresque d'amour, d'héroïsme, de folie et d'espérance où se télescopent des centaines de personnages, de situations, d'aventures. Un paysan indien chassé de sa terre par une nuée de pucerons assassins - Trois entomologistes new-yorkais qui inventent un pesticide miracle - Un géant de la chimie qui trouve le gaz nécessaire à sa fabrication - De jeunes ingénieurs d'Occident voulant supprimer les famines du tiers-monde - Une usine manipulant les produits les plus toxiques de l'industrie chimique et se croyant "aussi innocente qu'une fabrique de chocolats" - Le rêves, les joies et les fêtes des damnés d'un bidonville - Une mystérieuse cité orientale au cœur des "Mille et Une Nuits" - Des descendants de maharajas et des eunuques qui ensorcellent des expatriés de Virginie - Un journaliste visionnaire qui prêche dans le désert - Un ouvrier fou de poésie qui déclenche l'apocalypse - Des médecins héroïques qui s'empoisonnent en ranimant les victimes par le bouche à bouche - Une jeune Indienne qui échappe aux flammes d'un bûcher grâce à la petite croix qu'elle porte autour du cou... Et une multitude d'autres épisodes chargés de suspense et de rebondissement."Il était minuit cinq à Bhopal", une tragédie vraie au cœur de notre temps qui est un avertissement à tous les apprentis sorciers qui menacent l'avenir de notre planète.
Sommaire
C'était un grand Indien d'une quarantaine d'années, le front ceint d'un foulard rouge et les cheveux noués en tresse dans le cou. À son sourire éclatant, à la chaleur de son regard, j'ai immédiatement compris que cet homme était quelqu'un d'exceptionnel. Il avait appris que je venais de lancer le deuxième bateau-dispensaire "Cité de la joie" dans le delta du Gange pour venir au secours des populations de cinquante-quatre îles totalement dépourvues de toute aide médicale. Il voulait me demander de l'aide.Depuis plus de dix ans, Satinath "Sathyu" Sarangi, c'est son nom, anime une ONG qui soigne avec acharnement les victimes pauvres et abandonnées de la plus grande catastrophe industrielle de l'histoire, celle qui, dans la nuit du 2 au 3 décembre 1984, à cause d'une fuite massive de gaz toxiques, fit entre seize et trente mille morts et cinq cent mille blessés dans la ville de Bhopal, en Inde.Sathyu avait le projet de créer et d'équiper une clinique gynécologique afin de soigner des femmes sans ressources souffrant, seize ans après, de terribles séquelles de la catastrophe.J'avais le souvenir de la tragédie de Bhopal bien sûr, mais, en cinquante-deux ans de pérégrinations à travers cet immense pays qu'est l'Inde, je n'avais jamais fait escale dans la magnifique capitale du Madhya Pradesh. Je m'y suis rendu. Ce que j'ai découvert fut l'un des plus grands chocs de mon existence. Grâce au soutien de mes droits d'auteur et à la générosité des lecteurs de "La Cité de la joie" et de "Mille Soleils", nous avons pu ouvrir cette clinique. Elle reçoit, soigne et guérit aujourd'hui des centaines de femmes que tous les hôpitaux de la ville avaient livrées à leur sort.Cette expérience m'a aussi mis sur le chemin de l'un des sujets les plus bouleversants de toute ma carrière de journaliste et d'écrivain: pourquoi et comment une catastrophe comme celle-là a-t-elle pu se produire? Qui ont été ses promoteurs, ses acteurs, ses victimes, et finalement ses bénéficiaires? J'ai demandé à l'écrivain espagnol Javier Moro, auteur d'un superbe livre sur la tragédie tibétaine, de venir me rejoindre à Bhopal. Notre enquête a duré trois ans. Ce livre en est le fruit.Dominique LapierreEXTRAITVingt-trois heures trente. À l'usine, personne ne s'en doute, mais une bombe vient d'être amorcée. Après que l'on eut en vain essayé de purger l'eau injectée depuis trois heures dans le système, celle-ci a trouvé le chemin de la cuve 610. Elle s'y engouffre, entraînant avec elle les débris métalliques, les cristaux de chlorure de sodium et toutes les impuretés qu'elle a décollés des parois lors du rinçage des canalisations. Cet afflux massif de contaminants provoque aussitôt la réaction exothermique tant redoutée des chimistes. En quelques minutes, les quarante-deux tonnes d'isocyanate de méthyle se désintègrent dans une explosion de chaleur qui, très vite, va transformer le liquide en un ouragan de gaz.Alertés par les picotements qui commencent à leur brûler les yeux, les six hommes assis dans la "site canteen", à moins de quarante mètres des cuves, finissent par en convenir : leur camarade Varma avait raison. Ce n'était pas une odeur d'antimoustique qu'il avait sentie, mais bien celle de choux bouilli, caractéristique de l'isocyanate de méthyle.Qureshi, le superviseur musulman, se tourne vers deux hommes de son équipe : V.N. Singh et Varma.- Les gars, vous devriez aller faire un tour dans la zone de rinçage, suggère-t-il. On ne sait jamais. Les deux techniciens prennent leurs torches, mettent leurs casques et se lèvent.- Pensez à vos masques! recommande le superviseur.- Pas la peine! C'est pas la première fois que ça sent le Mic dans cette usine, réplique V.N. Singh. Attendez-nous pour le thé!- Bien sûr! approuve Qureshi. Mais si vous n'êtes pas là à temps, on vient vous chercher avec une bouteille d'oxygène! ajouta-t-il, déclenchant un éclat de rire général.En quelques minutes, Singh et Varma atteignent la zone de lavage où l'odeur est de plus en plus forte. Ils écoutent le sifflement de l'eau de rinçage qui circule toujours à plein débit dans les canalisations et dirigent le faisceau de leurs lampes vers l'enchevêtrement des tuyaux. Ils scrutent chaque vanne, chaque soupape, chaque bride. Soudain, Singh aperçoit autour d'un purgeur à huit mètres environ du sol un petit nuage et un gargouillement de liquide brunâtre. Il alerte son camarade.- Y a du gaz qui est en train de se barrer là-haut!Varma pointe le faisceau de sa lampe sur le nuage.- T'as raison. Et ça n'est pas de l'antimoustique!Les deux hommes regagnent la cantine en courant.- Shekyl! Ça pisse le Mic sur un tuyau! annonce Singh, tu devrais venir voir.Qureshi dévisage son camarade avec incrédulité.- Arrête tes conneries! proteste-t-il vivement. Puis, soulignant chaque mot, il insiste : " Mettez-vous tous une fois pour toutes dans le citron qu'il ne peut pas y avoir de fuite dans une usine dont la production est arrêtée. C'est le b-a-ba du métier de savoir ça.- Mais ça pisse vraiment, et ça pue très fort! insiste Singh en se frottant les yeux.Qureshi hausse les épaules.- C'est peut-être un peu de Mic résiduel qui s'échappe des purgeurs avec l'eau de rinçage, concède-t-il. Y'a qu'à fermer le robinet d'eau. On verra bien si ça continue à sentir après... Sur ces mots, il regarde sa montre et ajoute : "Pour l'instant, les gars, c'est l'heure du thé!"La sacro-sainte pause-thé! Trente-sept ans après le départ des colonisateurs, aucun Indien, pas même les six hommes de Carbide assis ce soir sur un volcan en début d'éruption, ne renoncerait à ce rite entré dans leur culture aussi sûrement que la passion du cricket. Qureshi s'est levé et entraîne l'équipe vers le bâtiment qui abrite, à une centaine de mètres, la cantine du personnel. À minuit tapante, un jeune Népalais aux petits yeux rieurs y fait son apparition. C'est le "tea-boy". Il apporte dans son panier une bouilloire pleine de thé au lait brûlant, des verres et une assiette de biscuits au chocolat.Qureshi et ses camarades s'installent confortablement pour déguster à petites gorgées le délicieux breuvage riche du parfum des lointaines collines d'Assam. Soudain, un visage décomposé apparaît dans l'embrasure de la porte. C'est Suman Dey, le chef de quart de la salle de contrôle.- Shekyl, lance-t-il, l'aiguille de pression de la cuve 610 est montée d'un seul coup de deux à trente p.s.i.!Qureshi hausse les épaules, puis adresse un sourire rassurant à son camarade:- Suman, tu t'affoles pour trois fois rien! C'est ton cadran qui déraille!
Caractéristiques techniques
PAPIER | |
Éditeur(s) | Robert Laffont |
Auteur(s) | Dominique Lapierre, Javier Moro |
Parution | 15/03/2001 |
Nb. de pages | 464 |
Format | 15.6 x 24.2 |
Couverture | Broché |
Poids | 598g |
EAN13 | 9782221091319 |
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