Inde

L'Inde. La simple prononciation ou lecture du nom de ce pays, berceau de l'hindouisme et du bouddhisme, héritier des plus anciennes civilisations, ce géant asiatique où tout miracle économique paraît possible, donne le tournis. À tel point que même des psychiatres occidentaux publient des essais sur les « délires » et la perte de repères que ressentent leurs compatriotes la première fois qu'ils y posent le pied. « C'est le pays des anomalies à chaque coin de rue et, plongés sans repère dans un tourbillon de misère, de surpopulation et de dieux inconnus, on n'y comprend plus rien », disait déjà le cinéaste français Louis Malle (1932-1995). Tout n'est pas aussi beau que dans un film de Bollywood. Car l'Inde est multiple, attachée à ses dieux, mais partie à grande vitesse dans le train de la mondialisation. Elle est un univers avec différents mondes ; ses religions, ses castes (pourtant officiellement abolies), ses villes, ses campagnes, ses partis nationalistes et communistes... la liste est longue. Et depuis quelques années déjà, elle est annoncée comme une puissance de demain, aux côtés de la Chine et du Brésil.

Pourtant, elle n'y arrive pas. La victoire du Bharatiya Janata Party (BJP), mouvement nationaliste hindou, aux élections d'avril-mai 2014 s'inscrit dans un contexte économique délicat, alors que la croissance a été divisée par deux en cinq ans, que la Banque mondiale considère l'Inde comme l'un des endroits les plus difficiles de la planète pour réaliser des affaires, que la pauvreté touche près de la moitié de la population. Blocage politique, corruption, une industrie faible, pénurie de main-d'oeuvre qualifiée... les raisons sont nombreuses pour expliquer cette absence de miracle économique.

Le premier défi du BJP sera donc de relever le pays, sans tomber dans les excès qui ont marqué la vie du nouveau Premier ministre, Narendra Modi. Son arrivée suscite en effet la peur de voir s'effondrer le fragile équilibre construit par les pères de la nation, le Mahatma Gandhi et Jawaharlal Nehru, basé sur l'harmonie et la démocratie. Après tout, c'est ça l'une des forces de l'Inde, l'image d'un pays tolérant et multiculturel. Les réflexes identitaires générés par la mondialisation auront-ils raison de ce modèle ? Comment comprendre et interpréter cette « vague safran », couleur du BJP ? Des questions qui amènent à remettre en cause cette idée de l'Inde que les Occidentaux, mais aussi les Indiens, peuvent avoir, sur sa volonté même de puissance.

Carto vous emmène donc cet été au coeur d'une Inde postélectorale qui s'interroge sur son avenir. Un point commun avec l'Italie - on ne fera aucune comparaison hâtive -, autre nation en pleine « révolution » après l'arrivée d'un gouvernement stable et jeune en février 2014. Heureusement, en cette période estivale, tout n'est pas que politique dans ce numéro. Le lecteur pourra ainsi aisément flâner dans les parcs d'attractions chinois ou découvrir les records mondiaux des prix de vente d'oeuvres d'art.
Par Guillaume Fourmont