Résumé
Joseph Priestley (1733-1804) figure méconnue de l'Enlightenment, en est pourtant un représentant assez extraordinaire. Sa trajectoire est tellement hors-norme qu'on a vu en lui « une comète dans le système ». Polymathe, il est philosophe, physicien, chimiste, grammairien, éducateur, historien, pasteur, théologien. Sa vie ne fut qu'une remise en question perpétuelle des « hypothèses » suscitées par les deux livres de la Nature et de la Révélation, et une suite de polémiques où seront engagées des figures majeures comme Locke, Newton, Hume, Reid, Price, Hartley, Boscovich. Calviniste dualiste et spiritualiste dans sa prime jeunesse, il deviendra progressivement moniste, matérialiste, déterministe, socinien, défenseur de la libre pensée, de la libre expression, de l'éducation émancipatrice, des révolutions américaine et française, pourfendeur de la religion corrompue, égalitariste, anti-esclavagiste, favorable à l'égalité entre hommes et femmes, jusqu'à apparaître aux yeux de ses nombreux adversaires comme « un furieux libre penseur » : il finira par se faire chasser de Birmingham par une foule en colère qui détruira son laboratoire. Cette radicalité du Rational Dissent des années 1790 était pourtant au service d'un idéal de progrès général de l'humanité dont il pensait avoir trouvé la clé dans la psychologie associationniste de David Hartley, et dans un système métaphysique combinant le matérialisme, le déterminisme et le socinianisme. Ce livre est la première monographie en français consacrée à la décennie prodigieuse des années 1772-1782, où Priestley élabore, selon le mot de Kant, une métaphysique de l'expérience « conséquente », appuyée sur une épistémologie empiriste et phénoméniste, et tendue vers la réalisation du destin de l'esprit, en lequel, jusque dans son exil américain, il n'avait jamais cessé de croire : la résurrection.