Résumé
Fondée en 1959, L'Année balzacienne paraît en livraisons annuelles depuis 1960. Chaque volume contient, sur Balzac et autour de Balzac, sur son œuvre et le contexte dans lequel elle a été produite, des articles de recherches d'inspiration diverse : études générales, biographiques, génétiques, historiques, stylistiques... L'objet de ce volume est de s'interroger sur la nature de la représentation attachée à la table dans l'œuvre de Balzac, y compris la représentation théâtrale. À rebours de l'idée reçue sur les interminables descriptions balzaciennes, ce volume met en lumière l'intéressant paradoxe d'une grande économie de moyens chez Balzac dans l'évocation de la table et un déplacement de l'attention, des mets aux mots et à leur circulation, c'est-à-dire aussi aux pannes de circulation. C'est ainsi que la table permet au romancier d'articuler représentation d'une pathologie, d'une passion (au sens premier du terme) de la vie sociale, et poétique de la représentation. Mieux, grâce à un détour par la littérature panoramique de son temps, la table chez Balzac est associée à l'art de la memoria et de l'inventio, par lesquelles l'évocation de la restauration moderne est au cœur de l'expérimentation du roman moderne. Telle est bien aussi la perspective de la seconde réflexion, « Passionnément Bette. Le monde des passions dans La Cousine Bette », roman jumeau du Cousin Pons, dont le personnage éponyme, prix de Rome, esthète distingué en son musée, devient pique-assiette, et ouvre l'éventail du goût dans toutes ses acceptions et adultérations. Dans un monde d'où les dieux, les rois et les lois s'en vont, l'on assiste à une dérégulation des passions, et ce roman de l'art et de l'artiste n'est pas celui de la chute tragique ou pathétique des siècles passés, mais de l'entropie moderne, dont le réseau de la Bette est l'image et le système narratif l'expression : Balzac sait qu'au traité des passions, il lui faut désormais substituer le roman.