Résumé
L'Echolalie est le nom donné à une scène originelle de l'art moderne, celle qui eut lieu entre Baudelaire, Wagner et Nietzsche. Le thème apparent fut, comme on sait, celui d'une rivalité entre poésie et musique. Toutefois, lorsque Baudelaire rapporte dans une lettre fameuse adressée à Wagner l'émotion ressentie à l'écoute de sa musique, il ne fait pas acte d'allégeance ni d'identification, mais il engage la poésie et l'art dans une voie nouvelle.
Entre la France et la Germanie se nouent alors d'étranges rapports, que Nietzsche étudiera en leur conférant une portée en termes d'amitiés et d'incompatibilités civilisationnelles et politiques. La question devient celle de l'Europe.
La poésie, la musique et l'art, l'Europe et la philosophie : peut-être toute la pensée...
Afin de comprendre en ses strates multiples le rapport complexe qu'entretiennent ces thématiques, il aura fallu repartir du mythe d'Echo dans l'histoire de Narcisse, en donnant la parole à la nymphe privée de parole. Ce qu'elle parvient à énoncer dans son lamento une quasi musique répétitive et insistante à défaut de disposer de phrases est un commentaire, une critique, mais aussi l'exigence d'une écoute de notre part, de tout artiste et de tout penseur. La pensée comme l'art se découvrent requises par une écoute nécessaire. Comment entendre et écouter ? Et comment répondre ? Un espace de dialogue aussi difficile que décisif se creuse dès lors dans tout travail de création et de pensée.
La méditation de l'attitude de Baudelaire guide dans cet ouvrage une réflexion plus générale concernant la nature de la pensée dont, décidément, l'art incarne le passage obligé. En effet, les conditions de l'art, en leurs expériences propres, ne vont pas sans raviver la douleur de la pensée, obligée de répondre à ce qui l'appelle. À cette fin, et à l'adresse de Wagner, Baudelaire pousse un cri déchirant qu'il accompagne d'une méditation grinçante sur le rire. Il faut comprendre et la nature de ce cri et la signification, pour l'art et la pensée, du rire.
Le cours de l'ouvrage prétend, en se référant de manière critique aussi bien à la pensée aristotélicienne de la mimèsis, de la poïèsis et de la technè qu'à la structure de la finitude kantienne et aux travaux contemporains de Philippe Lacoue-Labarthe, à donner consistance au terme d'écholalie, mais aussi à celui qui, paradoxalement, en résulte, celui de littéralité. Dans cette notion, on n'entendra pas un sens appropriable, fondamental ou originel que viseraient autant l'art que la philosophie, mais la condition de vérité qui est la leur.