Résumé
A contre-pied de l'image aristocratique des vins fins développée à la fin du XIXe siècle en Champagne et dans le Bordelais, de grands propriétaires viticoles bourguignons initient dans l'entre-deux-guerres un folklore régionaliste commercial pour promouvoir leur vin comme un vin de vignerons, un vin authentique, un vin de terroir contre le vin du négociant, de la ville, artificiel. En façonnant ce folklore selon leurs intérêts, les propriétaires puisent dans un élément canonique du répertoire culturel, touristique et officiel de la construction nationale moderne et républicaine sous la IIIe République. Il faut inscrire le retournement marketing des vins de luxe dans le conflit politique et juridique que se livrent sur le marché des vins, propriétaires et négociants pour l'appropriation de la plus-value, ces derniers se déchirant entre l'origine du raisin ou la marque comme critère premier de la qualité des vins. C'est à une véritable enquête historique dans les élites modernisatrices de la IIIe République que cet ouvrage nous convie. Les propriétaires et négociants propriétaires de Meursault et Nuits-Saint-Georges, multipliant les alliances inédites avec les élites politiques, universitaires, érudites et industrielles autour du régionalisme culturel et économique, réussissent à défaire cette hiérarchie du marché en s'attribuant politiquement et culturellement son contrôle. Ce modèle d'un marketing traditionaliste fait alors école à la Libération pour embrasser l'ensemble de l'économie alimentaire de luxe : un bon produit se doit d'être de terroir, traditionnel. Ce n'est que très récemment que cette trajectoire traditionnelle de la qualité française s'étiole sous la pression de la concurrence internationale diffusant un modèle alternatif, plus technologique, autour de la notion de cépage contre celle d'origine.
L'auteur - Robert Boyer
Robert Boyer a d'abord travaillé au ministère des Finances comme macro-économiste puis au CEPREMAP, Centre de recherche auprès du commissariat général au plan, en lien avec l'administration économique française. Constatant la fin du régime de croissance de l'après-guerre, il a ensuite cherché les bases d'une macroéconomie institutionnelle et historique dans le cadre de la théorie de la régulation dont L'économie politique des capitalismes (2015) livre un aperçu. Anciennement directeur de recherche au CNRS, directeur d'études à l'EHESS, il anime l'association Recherche & Régulation. Il est membre du Centre Cournot pour la recherche économique et il collabore à l'institut des Amériques.
Autres livres de Robert Boyer
Sommaire
- Une économie du vin dominée par le négoce
- Le contrôle républicain du marché
- La mise en scène touristique du territoire : gastronomie régionale et folklore
- Alliance entre radicalisme, élites industrielles et universitaires vidaliens dans les années vingt
- L'image vigneronne et le village garant de l'authentique : de la paulée de meursault à la propagande publique
- Le "folklore " pour journalistes : la confrérie des chevaliers du tastevin en 1934
- Vers une image régionale : le pavillon de la bourgogne à l'exposition internationale de 1937
- La modernisation du régionalisme et la " qualité française"
Caractéristiques techniques
PAPIER | |
Éditeur(s) | Belin |
Auteur(s) | Robert Boyer |
Parution | 06/04/2006 |
Nb. de pages | 320 |
Format | 14 x 22 |
Couverture | Broché |
Poids | 388g |
EAN13 | 9782701142982 |
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