Résumé
Nous étions descendus à l'hôtel de la Victoire. M. Martin Zir est le type du
parfait hôtelier italien: homme de goût, homme d'esprit, antiquaire distingué,
amateur de tableaux, convoiteur de chinoiseries, collectionneur d'autographes,
M. Martin Zir est tout, excepté aubergiste. Cela n'empêche pas l'hôtel de la
Victoire d'être le meilleur hôtel de Naples. Comment cela se fait-il? Je n'en sais
rien. Dieu est parce qu'il est.
C'est qu'aussi l'hôtel de la Victoire est situé d'une manière ravissante: vous
ouvrez une fenêtre, vous voyez Chiaja, la Villa-Reale, le Pausilippe: vous ouvrez
une autre, voilà le golfe, et à l'extrémité du golfe, pareille à un vaisseau
éternellement à l'ancre, la bleuâtre et poétique Caprée; vous en ouvrez une
troisième, c'est Sainte-Lucie avec ses mellonari, ses fruits de mer, ses cris de
tous les jours, ses illuminations de toutes les nuits.
Les chambres d'où l'on voit toutes ces belles choses ne sont point des
appartemens; ce sont des galeries de tableau, ce sont des cabinets de
curiosités, ce sont des boutiques de bric-à-brac.
Je crois que ce qui détermine M. Martin Zir à recevoir chez lui des étrangers,
c'est d'abord le désir de leur faire voir les trésors qu'il possède; puis il loge et
nourrit les hôtes par circonstance. A la fin de leur séjour à la Vittoria, un total
de leur dépense arrive, c'est vrai: ce total se monte à cent écus, à vingt-cinq
louis, à mille francs, plus ou moins, c'est vrai encore; mais c'est parce qu'ils
demandent leur compte. S'ils ne le demandaient pas, je crois que M. Martin
Zir, perdu dans la contemplation d'un tableau, dans l'appréciation d'une
porcelaine ou dans le déchiffrement d'un autographe, oublierait de le leur
envoyer.