Résumé
La négociation collective est une pièce maîtresse du système des relations professionnelles. Elle contribue à produire des normes, à déterminer les conditions de vie au travail, à organiser les relations entre les acteurs sociaux. Pour autant, si les accords qu'elle produit font l'objet de nombreuses études, les pratiques de négociation sont, elles, très peu étudiées. En croisant les approches sociologiques et ergonomiques, ce livre manifeste la volonté de porter un regard nouveau sur la négociation collective d'entreprise. Il l'aborde à partir de l'analyse de l'activité des personnes qui négocient, c'est-à-dire comme un travail, en considérant que les négociateurs ne sont pas les représentants impersonnels d'une structure, de simples exécutants d'une tâche prescrite par la loi ou déterminée par leurs mandants, mais qu'ils sont des travailleurs mettant en œuvre des compétences, des savoir-faire, des capacités à improviser et à s'adapter, et pouvant éprouver des difficultés, voire des souffrances, dans l'accomplissement de ce travail. En s'appuyant sur quatre monographies d'entreprises dans lesquelles il a suivi des processus de négociation, l'auteur a cherché à comprendre la manière dont les acteurs locaux s'emparent des normes sociales établies, les retravaillent et les mettent en œuvre, comment se créent des configurations singulières, complexes, qui vont aboutir à des situations de négociation originales et soumises à des changements permanents. Comprendre comment se déroule ce patient travail de tissage de compromis acceptables, soumis à des rapports de force et de domination, comprendre les difficultés des négociateurs là où la négociation a lieu, peut aussi éclairer les raisons de son inexistence dans la plupart des entreprises. Cet ouvrage n'est pas un manuel d'aide aux négociateurs, mais vise à aider les protagonistes de la négociation collective à engager une activité réflexive sur leurs propres pratiques. Favoriser ce regard réflexif, c'est aussi donner la possibilité aux acteurs de procéder à une « traçabilité » des processus de négociation, de regarder « d'où vient » l'accord (ou le désaccord), d'expliciter les arrangements, les coalitions, les bifurcations, les « bricolages », et d'alimenter ainsi les situations d'apprentissage. Cette réflexion sera également utile à tous ceux qui sont amenés à intervenir dans les entreprises, mais aussi, peut-être, à ceux qui sont amenés à réglementer les relations sociales.