Lumières clandestines

Depuis les travaux de Lanson en 1912 et de Wade en 1938, aucune découverte n'avait apporté un éclairage aussi neuf sur l'ensemble du phénomène des manuscrits philosophiques clandestins dont le rôle capital dans la conception et la diffusion des idées des Lumières ne fait plus de doute. Les papiers de Thomas Pichon (1700-1781), extraits de lectures, copies de travail, lettres, listes de manuscrits et de livres, catalogues de bibliothèques complètent une collection exceptionnelle de manuscrits. Ils constituent un gisement brut où les écrits philosophiques voisinent avec les vestiges de toute une vie du XVIIIe siècle, sans avoir été soumis à aucun partage, aucune censure, aucune dispersion volontaire. Conservés au même endroit depuis 1784, tout juste inventoriés dans les grandes lignes, mais jusqu'à maintenant ni triés, ni interprétés, ils livrent un témoignage d'une authenticité indiscutable. Une minutieuse enquête, totalement neuve, appuyée sur des recherches d'archives, reconstitue le milieu social et intellectuel dans lequel a vécu l'étonnant copiste et collectionneur qui les a légués à la condition absolue qu'ils ne soient pas dispersés. Les relations et la correspondance de Thomas Pichon avec de nombreux aventuriers, en particulier Jean Gallatin, Maubert de Gouvest, John Cleland, Marie Leprince de Beaumont, sa femme ou maîtresse, éclairent le personnage et ses idées: un libertin, un citoyen du monde sans autre règle que sa raison naturelle, un "antisuperstitieux" passionné par les questions philosophiques et religieuses. De cette passion témoignent surtout sa bibliothèque et sa collection de manuscrits philosophiques clandestins présentés et analysés en détail. Le catalogue de ses livres, publié ici intégralement pour la première fois, constitue un document exceptionnel sur la lecture au XVIIIe siècle. -L'exemple de Pichon permet de préciser le rôle des lecteurs, copistes et collectionneurs.