Résumé
Le concept de trace est si général que je ne lui vois pas de limite, en vérité. Pour dire les choses très vite, il y a très longtemps, j'avais essayé d'élaborer un concept de trace qui fût justement sans limite, c'est-à-dire bien au-delà de ce qu'on appelle l'écriture ou l'inscription sur un support connu. Pour moi, il y a trace dès qu'il y a expérience, c'està- dire renvoi à de l'autre, différance, renvoi à autre chose, etc. Donc partout où il y a de l'expérience, il y a de la trace, et il n'y a pas d'expérience sans trace. Donc tout est trace, non seulement ce que j'écris sur le papier ou ce que j'enregistre dans une machine, mais quand je fais ça, tel geste, il y a de la trace. Il y a du sillage, de la rétention, de la protention et donc du rapport à de l'autre, à l'autre, ou à un autre moment, un autre lieu, du renvoi à l'autre, il y a de la trace. Le concept de trace, je le dis d'un mot parce que ça demanderait de longs développements, n'a pas de limite, il est coextensif à l'expérience du vivant en général. Non seulement du vivant humain, mais du vivant en général. Les animaux tracent, tout vivant trace. Sur ce fond général et sans limite, ce qu'on appelle l'archive, si ce mot doit avoir un sens dé limitable, strict, suppose naturellement de la trace, il n'y a pas d'archive sans trace, mais toute trace n'est pas une archive dans la mesure où l'archive suppose non seulement une trace, mais que la trace soit appropriée, contrôlée, organisée, politiquement sous contrôle. Il n'y a pas d'archives sans un pouvoir de capitalisation ou de monopole, de quasi-monopole, de rassemblement de traces statutaires et reconnues comme traces. Autrement dit, il n'y a pas d'archives sans pouvoir politique.